mercredi 13 avril 2011

Marque Bretagne : les travailleur-se-s ne sont pas à vendre !

« Que dit-on sur les Bretons
Dans la ville des préjugés ?
On dit qu'ils sont taciturnes
Qu'ils sont têtus et poètes
Qu'ils aiment les beaux discours
Qu'ils respectent les traditions.

Solitaire, solitaire
C'est la chanson des patrons
Tous ensemble, tous ensemble
C'est le chant des ateliers qui lui répond »

Gilles Servat, « Dépliant touristique », 1977

Le 27 janvier dernier, le Conseil Régional de Bretagne lançait à grand frais (450 000€) sa nouvelle campagne de publicité régionale : une « Marque Bretagne ». Partagé-e-s entre un franc éclat de rire et un profond agacement, nous n'avons pas tout de suite porté beaucoup d'attention à cette opération de « marketing territorial », selon les mots de Jean-Yves Le Drian. Le Conseil Régional nous rejouait la Breizh Touch mélangée à Produit en Bretagne, il ne savait plus quoi inventer pour satisfaire les patrons du tourisme et ceux de l'agroalimentaire... Le temps de visiter un peu plus en détails le site de la marque (marque-bretagne.fr : manque de chance, ils n'ont pas encore obtenu leur .bzh !), de se farcir les recommandations aux « partenaires », les 888 pages du rapport, et on riait beaucoup moins. Même, ce qui est en train de se passer nous a semblé grave, dangereux pour tous ceux et toutes celles qui vivent et travaillent en Bretagne.


Mais de quoi s'agit-il vraiment ?

La « marque Bretagne » est une marque de territoire. Comme son nom l'indique, elle cherche donc à transformer un territoire – espace géographique habité et interprété socialement – en marque – c'est-à-dire en signe commercial d'un groupe pour ses intérêts économiques. Le marketing territorial va donc fonder sa stratégie sur un espace géographique. Ça, on a l'habitude, on avait déjà le tourisme. Mais là il va surtout se fonder sur ce qui transforme un banal espace géographique, délimité par le fait d'avoir à sa tête le même Conseil Régional, en « territoire », en espace social : les gens qui y habitent, nous, les travailleur-se-s de Bretagne.

Nous sommes donc au centre de la nouvelle politique marketing du Conseil Régional. On aurait aimé être prévenu-e-s, à défaut d'être consulté-e-s. Être invité-e-s à la cérémonie de présentation, ça, on n'y a même pas pensé. Le lendemain, on a lu dans Ouest-France qu'il y avait « du monde, et du beau monde » : des patrons, Miss France, des maires, des députés et même Nolwenn Leroy ! Histoire de nous donner une idée un peu plus claire de quelle Bretagne il s'agit de transformer en marque...

Pourtant, si le Conseil régional avait écouté ne serait-ce qu'un minimum les luttes des, disons, 40 dernières années, il aurait entendu que « La Bretagne n'est pas à vendre ! ». Ce slogan, qui a visé notamment la transformation massive de zones autrefois habitées et cultivées en parcs à thèmes et autres zones touristiques vides 10 mois par an, est désormais directement applicable à la politique du Conseil régional. Nous allons désormais devoir lui crier : « La Bretagne n'est pas à vendre... les Breton-ne-s non plus ! »


Mais comment ça marche ?

A l'inauguration, les médias ont découvert un logo : pas très original, c'est Bretagne en majuscules et en noir et blanc, avec des E sans barre verticale. Tellement peu original que les lecteur-trice-s du site du Télégramme ont mis du temps à comprendre que le fameux logo était « ce truc derrière Le Drian » [1] sur la photo. Les journalistes se sont empressés, évidemment, de lancer des sondages pour savoir si leurs lecteurs aimaient le logo, lecteurs qui ont majoritairement répondu non, mais là n'est pas la question. Les inventeurs de la marque se foutent pas mal du lecteur moyen du Télégramme. Parce que le public visé par la marque, ce sont plutôt les chefs d'entreprise et décideurs politiques « à l'international », la marque devant servir à rendre la Bretagne visible dans un marché mondialisé. Rien d'autre qu'une campagne de pub spéciale décideurs, finalement.

Mais le logo n'est que la partie immergée de l'iceberg, car la marque Bretagne est une opération de com' globale. En plus du logo, elle propose une gamme de couleurs à utiliser, des polices d'impression, des « guillemets bretons » qui reprennent les 3 bandes parallèles des E du logo, des listes de mots à employer, des thèmes centraux et même des indications de syntaxe et de style : surtout éviter ce qui fait vieillot, folklorique. Miser sur la modernité, l'humour, la légèreté...

Mais attention ! Pour avoir le droit d'utiliser cette campagne quasi-totalitaire, il faut faire un dossier et passer devant une commission ad hoc. Faut-il que l'entreprise ait son siège social en Bretagne administrative, qu'elle y vende un certain pourcentage de ses produits, qu'elle y emploie une certaine partie de son personnel ? S'agirait-il ainsi de créer des emplois en Bretagne, objectif si souvent invoqué par nos dirigeants en cette période de chômage de masse ?

Rien de tout ça. Il faut au contraire partager un certain nombre de « valeurs », terme vague qui n'a d'égal que le flou des valeurs en question : « engagement », « sens du collectif », « ouverture », « imagination ». Valeurs qui parlent d'elles-mêmes, et qui s'incarnent tout naturellement dans des entreprises telles qu'Hénaff, Bolloré ou encore Yves Rocher, citées en exemple sur le site. Ah, l'imagination légendaire d'Hénaff, l'engagement de Bolloré, le sens du collectif de la fondation dynastique Yves Rocher ! On imagine bien le niveau d'exigence qu'aura le Comité de marque au moment d'étudier les dossiers des candidats... dossiers qui comportent très exactement 4 questions, avec, à chaque fois, 10 ou 15 petites lignes où écrire sa réponse, comme pour un contrôle d'histoire...


Mais d'où ça sort ?

Logo et campagne ont été réalisés par un cabinet de Lyon (eh oui !) appelé CoManaging. Pour ceux/elles qui n'ont pas la chance de connaître ce cabinet qui travaille aussi pour un certain nombre de départements et de villes dans l'hexagone, voilà ce qu'on peut lire sur leur site : « Managers-consultants d'un cabinet conseil spécialisé dans le développement et le marketing territorial avec une expertise spécifique que nous croyons reconnue en Europe dans le marketing stratégique des territoires, en particulier dans les politiques globales d'attractivité, le tourisme, la marque et l'identité »[2]. Tout un programme...

L'idée d'origine vient du Conseil Régional de Bretagne, de l'Agence Economique de Bretagne et du Comité régional du tourisme.


Mais de quoi ça parle ?

Quelle est donc cette Bretagne que nos dirigeants s'emploient à construire, sans nous demander notre avis ? Quelle est donc cette « personnalité bretonne » qui peut devenir un atout marketing ?

Un rapport de presque 900 pages nous dresse un portrait physique et psychologique de la Bretagne. Physique puis psychologique, histoire de bien montrer que l'esprit et le caractère collectifs des Breton-ne-s sont des sous-produits de l'endroit où ils/elles vivent. Lier la géographie et l'esprit, le comportement est une base de la pensée raciste (« Mais les Noirs, c'est normal qu'ils soient si faignants, il vivent sous le soleil, la chaleur, c'est pas le même rythme »...), qui, du 16ème siècle jusqu'à aujourd'hui, a su mettre à profit l'idée de la « différence naturelle » pour mieux classer, hiérarchiser, dominer et exploiter. Essentialiser de cette manière toute une population, c'est d'abord supposer que tou-te-s les individu-e-s qui la composent ne sont, justement, pas vraiment des individu-e-s, à peine les parties interchangeables d'un tout uniforme. C'est aussi croire que ce sont des facteurs naturels, comme par exemple la pluviométrie, la hauteur des falaises ou la vitesse du vent qui déterminent les rapports sociaux, et non des rapports de production, des rapports économiques. C'est nier en bloc, entre autres choses, l'Histoire et la lutte des classes. Pas très rassurant...

Il s'agit ici, entre autres, d'utiliser cette logique pour vanter les avantages bien cachés de la Bretagne et des Breton-ne-s. Et quelles sont donc ces qualités cachées que CoManaging et le Conseil Régional nous révèlent, diaporama idyllique à l'appui ? On découvre d'abord une sorte de délire mystique sur la « Bretagne éternelle », son rapport à la Nature, à Dieu, à la spiritualité. Une description digne d'un 19ème siècle crispé sur son organisation sociale et politique pré-industrielle, dans laquelle un usage totalement disproportionné de la majuscule, et des photos de calvaires à la pelle, tentent de masquer la vacuité du contenu par la forme et l'image... une vraie démarche marketing, finalement. On apprend par exemple qu'il y a en Bretagne « une « culture de la Nature » au coeur de la vie des Bretons : un rapport presque panthéiste à la nature, prolongeant le Temple de la Nature des Celtes, dans « l'une des régions où la Nature occupe la plus grande place ». Le « Temple de la Nature des Celtes », il fallait oser.

Un peu plus loin, le-a Breton-ne moyen-ne, statistiquement plus susceptible d'être salarié-e de l'agroalimentaire ou de la grande distribution que druide ou chanoine, apprend qu'il/elle vit dans « une « Bretagne sacrée » comme un grand oratoire naturel : une terre « spirituelle » de toutes les manières possibles, à la fois de recueillement et de transcendance, avec de grandes dispositions naturelles au mystère, à l'irrationnel et au surnaturel ».

Le mysticisme exotique et folklorisant de ces quelques citations n'est cependant qu'un début. Un peu plus loin, on s'interroge (pendant 55 pages !) sur les « questions d'ego et d'attractivité » que pose apparemment cette démarche de « marketing territorial ». Il y est question d'« Une « identité bretonne » à démêler entre « bretonnité », « bretonnitude », « celtitude », « modèle breton », culture bretonne », « esprit breton », « âme bretonne », « breizh touch », « ethnicité bretonne », « nation bretonne », « peuple breton », « mouvement breton », « nationalisme breton », « question bretonne », etc. » (p.571)

Les pages précédentes sont consacrées à l'étude d'« un « ego » breton à l'histoire très contrastée et conflictuelle ». Après un étalage d'approximations historiques et sociologiques sur l'histoire de la Bretagne et des revendications bretonnes, une partie intitulée « de l'épanouissement au rayonnement » atteint de tels sommets de ridicule qu'elle mérite d'être largement citée [3] :

« de l'épanouissement au rayonnement : au final, aujourd'hui, une bretonnité à la légitimité « reconquise et désormais apaisée » et aux valeurs recherchées, devenue un facteur de développement et d'attractivité économiques, et dans laquelle le poids symbolique de la culture et de la langue bretonnes sont de plus en plus forts.

  • Une « bretonnité épanouie » qui rayonne culturellement, en donnant plus du [4] sens aux autres facteurs d'attractivité : attrait du littoral, beauté des paysages, richesse patrimoniale, qualité de vie, vie culturelle festive, image d'excellence, etc.

  • une « bretonnité officielle » perpétuellement renforcée : créations de « Conseil Culturel de Bretagne » (mars 2009), de « Comité Consultatif de l'identité bretonne », etc.

  • de plus en plus de « bretonnité stratégique » (« bretonnité culturelle » et « bretonnité économique » « tout naturellement » [5] en interaction), qui, à la fois, valorise et instrumentalise la bretonnité, en la faisant connaître et reconnaître, mais aussi une « bretonnité vendeuse », « en Bretagne et au-delà » :

    • depuis les années 90, succès d'un « marketing option breizh » élargi à tous les secteurs d'activité : la « bretonnité à la mode », une « Bretagne tendance » passée de la « biniouserie » à « une manière d'être et d'exister », la « celtitude »

  • mais en même temps la « bretonnité sur un fil »

    • équilibre délicat pour les politiques à la recherche de la juste dose de bretonnité, « sous la pression de leurs ultras »

    • danger de « bretonnerie », de « celtomégalomanie », de perte de sens dans le « trop » de bretonnité et de celtitude affichée : « des celtopathes et des businessmen qui s'intéressent plus aux retombées en terme de profits que de culture »

    • danger de caricature de soi-même

    • effet de saturation pour les Bretons eux-même

    • une arme à double tranchant : « l'attrait pour un monde à part » mais aussi « les moteurs du dénigrement »

    • « se servir du culturel pour faire du business » : risque de « vendre son âme », en « jouant » de l'authenticité pour vendre et danger de banalisation d'une bretonnité yoghourtisée, disneylandisée, folklorisée, etc. et de dénaturation des symboles »


Il paraît qu'en Union Soviétique, il arrivait souvent aux journalistes de tomber en panne de machine à écrire à force de taper l'expression « marxisme-léninisme ». On espère que les consultants en management du Conseil régional avaient des claviers d'ordinateur de bonne qualité, pour pouvoir taper « bretonnité » 30 fois par page sans risquer la panne...

Quelques questions moins drôles que la précédente viennent quand même à l'esprit à la lecture de ces quelques paragraphes. D'abord, que cherchent le Conseil régional et ses consultants en lançant une telle réflexion sur l'identité ? Les politiques racistes mises en place par le gouvernement actuel, et les précédents, au nom de « l'identité nationale » française ne sont-elles par un repoussoir suffisant pour quiconque serait tenté de recycler ce concept ? N'y a-t-il pas d'autres « dangers » plus graves et plus pressants en Bretagne que celui de « celtomégalomanie » (sic) ? Par exemple, et au hasard, le chômage et la précarité, le niveau des salaires et des prix, les conditions de travail, la désertification des campagnes et la prolétarisation des villes, les expulsions de personnes sans-papiers, la fermeture des services publics, les violences masculines contre les femmes, les impasses de l'agriculture productiviste ?...

Penser que le Conseil régional n'a rien de mieux à faire avec l'argent public que de payer des cabinets de management pour réfléchir à des sujets aussi caricaturalement éloignés de la réalité sociale laisse rêveur-se... Mais cet infini recyclage – jusqu'à l'écoeurement - des poncifs sur « l'identité », la « bretonnité », « l'ethnicité » et autres « celtitudes » ne porte pas seulement une idéologie nationaliste inquiétante. D'autres parties du texte montrent que cet argumentaire ne permet pas seulement d'invisibiliser l'exploitation et l'oppression, il les justifie et les encourage.


Mais à quoi ça sert ?

Voici une mise en garde que l'évêché de Vannes destinait aux salarié-e-s au début du 20ème siècle et qui pourrait devenir la devise du Conseil régional d'ici peu de temps...
« Saint Yves protège les Bretons, mais Saint Dicat les envoie en enfer »

En effet, ce qu'ils ont trouvé de mieux à vendre en Bretagne, ce sont ses habitant-e-s, et leurs qualités de travailleur-se-s honnêtes, sérieux-ses et dur-e-s à la tâche que les évêques et les patrons vantaient déjà au 19ème siècle. On découvre donc l'existence d'« un esprit breton forgé par les éléments », [avec] « un tempérament solide, « pas trop stressé », et surtout travailleur et honnête », d'une « forte motivation des Bretons pour ce qu'ils font, sérieux, fiables, courageux, gros travailleurs » qui s'appuie sur une culture du « sérieux, [l']importance du travail et de l'activité utile ». C'est tellement beau qu'on dirait Théodore Botrel...

Mais les Breton-ne-s ne sont pas que les produits des « éléments » déchaînés, c'est aussi leur « culture », leurs « valeurs » qui, comme par hasard, correspondent miraculeusement aux désirs les plus profonds de la classe capitaliste. Ils/elles sont « proches des valeurs traditionnelles ». Mais lesquelles ? En plus de la piété légendaire dont nous avons parlé plus haut, il s'agit certainement de l'obéissance, qui manque tellement chez les prolétaires d'aujourd'hui... D'ailleurs nos enquêteurs remarquent la « force de la valeur travail » et la « fiabilité » qui caractérisent les autochtones. Qu'on se le dise : entrepreneurs, installez-vous en Bretagne, vous y trouverez une population docile, travailleuse... et qui ne vous coûtera pas cher !

Car c'est la suite de cet argumentaire implacable, bien que dissimulé sous des diapositives pleines de poésie. Dans un dossier de recommandations aux clients de la marque, qui résume les conclusions de l'étude, et afin d'utiliser au mieux la marque Bretagne pour se positionner sur les marchés, on trouve une rubrique intitulée « l'excellence de la Bretagne en 60 chiffres-clés ». On y trouve tous les chiffres qui peuvent prouver que la Bretagne est « la meilleure » quelque part : elle a les plus grandes marées, les plus vieux calvaires, elle produit le plus de porcs, de poulets, de choux-fleurs, d'échalotes, d'artichauts, de bacheliers, etc. Rien que des chiffres qu'on nous sert régulièrement pour nous consoler de ne pas vivre à Paris et... nous consoler de ces quelques chiffres qui, au quotidien, nous importent autrement plus que l'amplitude des marées :
« 37. co-leader des régions françaises par la faiblesse de sa conflictualité sociale
38. une des 1ères régions françaises pour les niveaux du coût du travail, de l'immobilier et du foncier »

Eh bien voilà ce qu'il y a à vendre en Bretagne : une main-d'oeuvre officiellement docile (c'est-à-dire bien canalisée par la CFDT et l'influence de la JAC, de la JOC et autres organisations de collaboration de classes. Pardon, grâce à « l'influence modératrice du catholicisme social » (p.796)), et sous-payée... Même quand on a perdu depuis longtemps ses illusions sur les « socialistes », c'est assez accablant.

Puisqu'on a tellement parlé – sans la nommer, évidemment – de la classe ouvrière, il faut bien ajouter quelques lignes sur le patronat, dont la domination incontestée s'exprime si librement. Tiens, le chiffre 44, qui suit les 37 et 38 cités au-dessus en parle justement :

« 44. une des 1ères régions pour la notoriété de ses chefs d'entreprise »

Chouette, alors ! D'autant qu'on nous dit aussi que ce sont « des chefs d'entreprise à la personnalité bretonne : convictions, ténacité et audace libérés des préjugés de l'esprit de classe ». « Libérés des préjugés de l'esprit de classe », voilà qui est tout un programme... A la première lecture, quand même, on n'ose pas trop comprendre exactement ce que cela veut dire.

Ah, mais voici une confirmation, quelque part dans le dossier sus-cité : on y parle d'« une puissance de cohésion et une culture de négociation qui font rêver et une capacité à rechercher ensemble des solutions constructives ». Qui font rêver qui au juste ?! On y parle aussi d'« une remarquable modération des rapports humains : terre de dialogue et en même temps des polémiques sur tout, des luttes zizaniques comme la Bretagne les aime bien », etc. En résumé, la lutte des classes a épargné la Bretagne, c'est fantastique ! Ici règnent le consensus, la négociation, et finalement tout le monde est d'accord pour travailler plus pour moins cher, puisqu'il s'agit sans doute de l'intérêt « collectif » de la Bretagne...

Il n'y a pas que les classes sociales qui collaborent pour le bien commun en Bretagne, sorte de Pérou de la pacification sociale que seuls les consultants de CoManaging ont rencontrée. Il y a aussi « des liens familiaux puissants et des liens intergénérationnels toujours forts », qui font que les jeunes sont tous un peu vieux, et les vieux tous un peu jeunes : la preuve en est qu'ils/elles dansent tous la gavotte !

Et il y a aussi « un équilibre et une parité presque modèles par la mixité des valeurs bretonnes fortes de la solidarité et de l'égalité, et la dimension indifférenciée de la « communauté de Bretons », son goût du collectif, de la rencontre et de la fête qui transcendent les genres ». Parité et mixité qui sont bien sûr idéalement représentées par « le couple Merlin/Viviane, image mythique du couple harmonisé dans la complémentarité idéale », tout cela dans le cadre d'un « matriarcat breton plus proche de la solidité et de la nécessité pragmatique que de l'idéologie féministe », mais heureusement, avec aussi « des habitants incarnant une masculinité très archétypale, concrète et sans ambigüité ». Ouf ! On avait presque eu peur...

Mais en fait, on se foutrait pas un peu de nous ?

Eh bien si !

Voilà comment, en recyclant un tas de poncifs éculés répétés depuis bien trop longtemps par les chantres de la « bretonnité », traditionalistes et autres dirigeants qui s'appuient sur tout ce qu'ils trouvent pour assurer leur domination, voilà comment le Conseil régional essaye de nous convaincre que c'est en marchant main dans la main avec Yves Rocher, Bolloré, Hénaff, Armor Lux et tous les autres, en acceptant des salaires au rabais et des conditions de travail infernales, en ne faisant pas grève pour préserver notre faible taux de conflictualité sociale, que finalement on gagnera la visibilité de la Bretagne à l'international, et sans doute, la joie incommensurable de savoir que les entreprises « bretonnes » sont tout en haut du CAC 40.

Et voilà finalement où cette campagne veut en venir : à nous faire avaler l'idéologie du « bien commun » et l'idée de l'intérêt général, pour pouvoir nous mettre en vente sur un marché globalisé qui, sans doute, n'attend que ça. Tout cela au service du patronat breton, qui pourra se servir à son aise de cette « marque » pour laquelle il ne paiera pas un centime.

Et ils ont cru qu'on allait gober ça ?

Eh bien, oui, ils l'ont cru, mais non, ça ne fonctionnera pas ! Ils pourront toujours essayer de nous faire croire que tout va bien, que les conflits sociaux et les luttes de classes sont derrière nous, que la fin de l'Histoire est passée par là... nous ne sommes pas dupes !

Nous n'avons aucun intérêt en commun avec le patronat breton, ni avec leurs amis du Conseil Régional !!!
Et on l'a déjà dit... la Bretagne n'est pas à vendre, et nous non plus !
Et aussi, au risque de nous répéter : luttons !


SLB Skol-Veur, sections de Brest et Rennes
(Sindikad Labourerien/ezed Breizh Skol-Veur /
Syndicat des travailleur-se-s de Bretagne Université)
février 2011


[Ah oui, une dernière chose pour le Conseil Régional :
pour le titre, on sait qu'on n'a pas le droit d'utiliser votre logo puisqu'on n'a pas demandé l'autorisation au Comité de marque, et que même si on demandait on n'aurait pas le droit parce qu'on est un syndicat et que le syndicalisme ça plaît pas beaucoup à vos copains de Doux, Hénaff, Armor Lux ou autres. Mais en fait, on s'en fout, parce que ce qu'on veut, c'est juste la suppression de cette marque, de son logo, de ses partenariats et de tout le reste !]




[1] Remarque d'un lecteur sur le site du Télégramme
[2] http://www.comanaging.net
[3] Nous renonçons à écrire sic après chaque aberration. Le/a lecteur/trice les replacera lui/elle-même
[4] Les fautes de syntaxe sont dans le texte d'origine.
[5] Cette débauche de guillemets tente de prouver que ce qui est dit est objectif, donc vrai, parce que quelqu'un d'autre l'a dit ou écrit. Comme on ne nous dit pas qui est le quelqu'un en question, la preuve est assez maigre. On sait d'ailleurs que le montage de citations est à l'analyse à peu près ce que la « bretonnitude » est à la grève du Joint Français...

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